Le texte incriminant le viol dans le Code pénal (article 222-23, alinéa 1) dispose que :
« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. ».
Dans un arrêt du 23 janvier 2019 (pourvoi n° 18-82833) la chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé la notion de viol par surprise.
Dans cette affaire, un homme est mis en examen pour des faits de viol pour avoir complété un profil avec de fausses informations sur un site de rencontres en ligne : « I… B… », 37 ans, 1,78 m, architecte d’intérieur travaillant à Monaco, demeurant à Nice ».
Il avait également joint une photo qui avait joint une photo censée le représenter.
Après avoir développé une relation épistolaire et téléphonique avec des femmes, il les invitait à son domicile en leur proposant un scénario : la femme devait entrer dans le domicile, les yeux bandés, se laisser guider par sa voie.
Il l’attacherait alors aux montants du lit et aurait une relation sexuelle avec elle.
Il a été établi que l’homme avait répété ce schéma auprès de plusieurs femmes.
Une fois la relation sexuelle achevée, il retirait le bandeau des yeux des femmes qui découvraient alors la réalité, l’homme était « un vieil homme à la peau fripée et au ventre bedonnant ».
Les investigations entreprises ont permis de découvrir qu’ « I… B… » était en réalité Monsieur Z., 68 ans.
Le juge d’instruction a renvoyé Monsieur Z devant la Cour d’Assises du chef du viol, ce dernier a interjeté appel.
La Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence a infirmé l’ordonnance en retenant notamment que « si le stratagème utilisé a pu incontestablement constituer un moyen pour amener les plaignantes à se présenter au domicile de M. Z…, elles avaient accepté d’avoir une relation sexuelle au domicile d’un nommé « I… B… », suivant un scénario élaboré par celui-ci, qu’elles étaient capables d’analyser une situation pour le moins « originale » et le cas échéant, de s’y dérober, aucune contrainte ou menace sérieuse n’étant exercées contre elles ; qu’à l’issue, elles savaient que le bandeau leur serait enlevé ».
La Chambre de l’Instruction énonce ainsi que la surprise ne peut être assimilée au sentiment d’étonnement ou de stupéfaction des plaignantes lors de la découverte des caractéristiques physiques de leur partenaire.
C’est cette motivation qui est cassée par la chambre criminelle dans un attendu de principe qui caractérise la surprise au sens de l’article 222-23 du Code pénal en indiquant :
« Attendu que l’emploi d’un stratagème destiné à dissimuler l’identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d’une personne et obtenir d’elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise au sens du texte susvisé. ».
La Cour de cassation a donc cassé l’arrêt de la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence et a renvoyé l’affaire devant la Chambre de l’Instruction de Montpellier.
Reste à savoir si la Cour d’Appel de renvoi fera une application de l’attendu de principe de la Chambre criminelle et renverra Monsieur Z devant la Cour d’Assises du chef de viol commis par surprise selon la nouvelle acception de la Cour de cassation.