« Cour de révision et de réexamen ? Non, je ne connais pas … »
Rassurez-vous, c’est normal …
La Cour de révision et de réexamen est une juridiction dite « extraordinaire » dans la mesure où elle ne siège pas en permanence et est composée de magistrats issus de toutes les chambres de la Cour de cassation.
Son rôle est de statuer sur les demandes en révision, conformément aux dispositions des articles 622 et suivants du Code de procédure pénale.
Concrètement, lorsque survient, postérieurement à une condamnation définitive, un élément nouveau (de fait ou de droit), susceptible de faire établir l’innocence du condamné, ou a minima un doute sur sa culpabilité, il est possible de demander une demande en révision devant la Cour de révision et de réexamen.
La demande est adressée à la commission d’instruction des demandes.
À partir de là, trois étapes sont à franchir avant d’obtenir la révision (l’annulation) de la condamnation.
Le premier filtre est celui de l’irrecevabilité manifeste tranchée par le Président de la commission qui rend une ordonnance (non susceptible de recours).
La majorité des demandes est écartée par ce filtre.
En cas de passage de cette étape, la commission d’instruction, composée de cinq magistrats, est saisie et doit statuer sur la recevabilité de la demande.
Il s’agit alors d’examiner la réalité du fait nouveau et son rapport avec l’affaire.
Si la demande est considérée comme recevable, la commission d’instruction saisit la formation de jugement, composée de treize magistrats, qui doit trancher la question de savoir si le fait nouveau est de nature à établir l’innocence du condamné ou à faire naître un doute sur sa culpabilité.
Dans le cas qui nous intéresse, un prévenu a été condamné en première instance en mars 2019 à la peine de deux ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt pour le délit de recel d’apologie du terrorisme.
En cause d’appel, la Cour d’Appel en juillet 2019 a confirmé la culpabilité et alourdi la peine à trente mois d’emprisonnement avec maintien en détention.
Cependant, le 19 juin 2020, le Conseil constitutionnel, saisi sur une QPC a établi une réserve d’interprétation considérant que :
« Il résulte de tout ce qui précède que le délit de recel d’apologie d’actes de terrorisme porte à la liberté d’expression et de communication une atteinte qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée. Les mots « ou de faire publiquement l’apologie de ces actes » figurant au premier alinéa de l’article 421-2-5 du code pénal ne sauraient donc, sans méconnaître cette liberté, être interprétés comme réprimant un tel délit. ».
En clair, si les textes réprimant d’une part le délit de recel et d’autre part le délit d’apologie du terrorisme sont déclarés conformes à la Constitution, leur combinaison en un délit de « recel d’apologie du terrorisme » est interdite car contraire aux droits et libertés protégés par la Constitution.
S’agissant d’une réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel n’abroge aucun texte mais vient préciser que la combinaison est impossible.
Il s’en déduit que le délit de recel d’apologie du terrorisme n’existe pas et, en réalité, n’a jamais existé.
Sans désemparer, votre serviteur prend sa plus belle plume et dépose une requête auprès de la commission d’instruction des demandes de la Cour de révision et de réexamen dès le 24 juin 2020.
Le premier filtre de l’irrecevabilité manifeste est passé, l’affaire a été appelée devant la commission d’instruction le 27 mai 2021.
L’affaire a été plaidée et mise en délibéré au 24 juin 2021 et, malgré l’opposition du Ministère Public, la commission a déclaré la demande recevable et a décidé de saisir la formation de jugement de la Cour de révision et de réexamen.
Il appartiendra désormais à cette formation de jugement de déterminer si l’élément nouveau constitué par la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel est de nature à établir l’innocence du condamné ou à faire naître un doute sur sa culpabilité.
Si la révision est accordée, la formation pourra soit saisir une Cour d’Appel de renvoi afin que l’affaire soit rejugée en prenant en compte l’élément nouveau, soit considérer qu’un renvoi ne présente aucun intérêt.
Dans notre cas, l’élément nouveau étant la « disparition » de l’élément légal de l’infraction, il est possible qu’en cas de révision accordée, la formation de jugement décide qu’elle aura lieu sans renvoi.
Bien qu’il ne s’agisse là que d’une étape supplémentaire, la révision n’a jamais été aussi proche !